♟Top 9 des défenses noires contre l’ouverture du pion dame 1. d4

Quelles sont les variantes les plus jouées par les forts joueurs avec les noirs quand les blancs débutent par l’ouverture du pion dame 1. d4 ? Lis cet article pour les découvrir !

Un échiquier avec le coup blanc 1. d4 et 3 flèches montrant les principales réponses noires, et une photo en noir et blanc d'Anatoli Karpov

J’ai découvert qu’après 1. d4, il y avait plus d’opportunités pour un jeu plus riche.

Le 12ème champion du monde d’échecs Anatoli Karpov

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Pourquoi se préparer avec les noirs contre 1. d4 ?

Si l’ouverture du pion roi 1. e4 est le premier coup le plus joué à tous les niveaux, l’ouverture du pion-dame 1. d4 est le deuxième premier coup le plus joué aux échecs. Environ 25% des parties de la base de données générale de partie d’échecs de Lichess (comprenant 3,5 milliards de parties à l’heure actuelle) commencent par le coup 1. d4. Quand on regarde les statistiques des forts joueurs, l’ouverture du pion-dame est même encore plus fréquemment jouée, avec environ 36% des parties de la base de données Masters de Lichess (représentant 2,5 millions de parties jouées entre 1952 et aujourd’hui entre joueurs classés à plus de 2200 elo FIDE). Il est donc indispensable pour tout joueur d’échecs de se préparer avec les noirs contre 1. d4 autant que contre 1. e4 !

Dans les années 70 et au début des années 80, le 12ème champion du monde d’échecs, le grand-maître russe Anatoli Karpov, démarrait plus de 80% de ses parties avec le coup 1. e4. Mais son choix d’ouverture préférée avec les blancs changea radicalement après le rematch du championnat du monde d’échecs de 1985 contre Garry Kasparov, que Karpov perdit par 3 victoires contre 5 victoires pour Kasparov et 16 nulles. En effet, Anatoli Karpov souffrit énormément pendant ce match en jouant 1. e4 avec les blancs contre la défense sicilienne de Kasparov : il perdit deux parties avec les blancs contre cette défense sicilienne, la 16ème partie et la cruciale 24ème et toute dernière partie du match. À l’inverse, les 2 seuls gains de Karpov avec les blancs furent avec le premier coup 1. d4 dans la 4ème partie et la 22ème partie.

Après ce match perdu, Karpov se mit à jouer 1. d4 dans la majorité de ses parties, en affirmant qu’il avait réalisé que 1. d4 présentait « plus d’opportunités pour un jeu plus riche ». En effet, le premier coup 1. d4 est réputé plutôt mener à des positions fermées ou semi-fermées, ce qui convient certainement bien au style calme et positionnel de Karpov, tandis que 1. e4 mène davantage vers des milieux de jeux ouverts et tactiques.

Quelles sont les principales défenses noires après 1. d4 ?

Avec le coup 1. d4, les blancs posent un pion protégé par la dame dans la carré central (constitué des cases d4-d5-e4-e5) et contrôlent les cases e5 et c5. La diagonale du fou des cases noires est également ouverte mais les blancs ne le développent généralement pas tout de suite dans la foulée. Si les noirs l’autorisent, les blancs joueront la poussée e4 au 2ème coup pour se constituer un centre de pions centraux puissants en d4 et e4.

La meilleure manière pour les noirs de réagir à la poussée 1. d4 est de s’emparer immédiatement du contrôle de la case e4 afin d’empêcher les blancs de se constituer un fort centre de pions e4 et d4 en poussant le pion e2 en e4. Ce contrôle de la case e4 peut être réalisé de trois manières

  • par le coup 1… d5 : les noirs réagissent de manière symétrique et classique en amenant leur pion d7 en d5 ;
  • par le coup 1…. Cf6 : les noirs développent le cavalier de l’aile roi en f6 pour contrôler à distance la case e4 et orientent plutôt la partie vers des systèmes d’ouverture dits « indiens » – en hommage au joueur indien Moheschunder Bannerjee qui fut un des premiers joueurs d’échecs connus à employer ce type d’ouverture avec les noirs entre 1848 et 1860 ;
  • par le coup 1… f5 : les noirs réagissent de manière asymétrique en amenant le pion f7 en f5 (la défense hollandaise).

Nous allons voir qu’après les coups 1. d4 d5, les blancs jouent le plus souvent la poussée 2. c4, un pseudo-sacrifice de pion appelé le gambit dame qui vient défier le pion d5 des noirs et créer une tension centrale. Les noirs peuvent réagir de trois manières :

  • soit en échangeant leur pion d5 contre le pion c4 : c’est le gambit dame accepté ;
  • soit en protégeant leur pion d5 avec leur pion c (la défense slave) ou avec leur pion e (le gambit dame refusé).

Nous allons également voir qu’après les coups 1. d4 Cf6, les noirs ont un choix stratégique important :

  • Les noirs peuvent décider d’adopter un système indien de contre-attaque sur les cases noires centrales d4 et e5. Ce choix amènera les noirs soit vers une défense Benoni, une défense Grünfeld ou une défense est-indienne ;
  • Ou bien les noirs peuvent opter pour un système indien de contrôle à distance des cases blanches centrales d5 et e4. Ce choix amènera les noirs vers une défense ouest-indienne, soit vers une défense nimzo-indienne.

Nous passons en revue toutes ces défenses qui sont les 9 ouvertures les plus jouées par les forts joueurs qui affrontent l’ouverture du pion-dame 1. d4 avec les pièces noires. Ces défenses sont intensément étudiées encore de nos jours et la théorie des ouvertures qui les concernent est extrêmement vaste. Pour garder un article de taille raisonnable, je ne présenterai donc à chaque fois que les variantes que j’estime principales pour chacune des 9 défenses. C’est parti !

9. La défense hollandaise 1. d4 f5

La défense hollandaise est jouée dans 26 407 parties de la base de données Masters de Lichess soit environ 2,9% des parties commençant avec 1. d4. Avec le coup 1. … f5, les noirs cherchent d’emblée à obtenir une position asymétrique en envoyant leur pion f pour contrôler la case e4 et prendre de l’espace à l’aile-roi (constituée des colonnes f, g et h). Les noirs espèrent ainsi obtenir un milieu de jeu dynamique avec une forte attaque sur l’aile-roi et le futur petit roque du roi blanc. À l’inverse, les blancs chercheront à attaquer de l’autre côté sur l’aile-dame (les colonnes a, b et c) en y prenant de l’espace et en y exerçant une domination positionnelle.

La défense hollandaise contre 1. d4 présente une certaine similarité avec la défense sicilienne contre 1. e4 dans le sens où les deux ouvertures mènent à des positions asymétriques et déséquilibrées où chaque camp attaque sur un côté opposé de l’échiquier. La défense hollandaise est une des défenses contre 1. d4 avec le plus faible pourcentage de parties nulles dans les bases de données d’ouvertures, elle est donc bien adaptée aux joueurs qui cherchent à gagner à tout prix et ne peuvent pas se contenter d’une nulle.

Les inconvénients du coup 1. … f5 est que ce coup affaiblit la diagonale des cases blanches e8-h5, qui est une diagonale sensible car elle permet aux pièces blanches d’attaquer le roi noir, et la diagonale a2-g8 qui peut également être exploitée par les blancs pour attaquer le petit roque du roi noir. Par ailleurs, le coup 1. … f5 ne constitue pas un coup de développement en soi car il ne permet pas de mobiliser plus rapidement les pièces noires pour les mettre en jeu. Ces caractéristiques en font une ouverture rare de nos jours à haut niveau.

Le sixième champion du monde, le grand maître russe Mikhail Botvinnik (1911-1995) était un expert de la défense hollandaise et il l’employa à 4 reprises lors de son match de championnat du monde en 1951 contre le grand maître russe David Bronstein (1924-2006) qui lui-même joua cette défense trois fois avec les pièces noires.

Découvrons ensemble ci-dessous de manière interactive quelques variantes de la défense hollandaise, en particulier la variante dite de Léningrad.

8. La défense Benoni 1. d4 Cf6 2. c4 c5 3. d5

La défense Benoni est jouée dans 31 702 parties de la base de données soit 3,5% des parties commençant par 1. d4. Cette défense est caractérisée par une poussée précoce du pion noir en c5 pour venir contester le pion d4 des blancs. Comme la défense Grünfeld et la défense est-indienne, la défense Benoni est un système d’ouverture basé sur la contre-attaque sur les cases noires le long de la diagonale a1-h8.

La défense Benoni a été analysée dès 1825 dans un livre publié en Allemagne. Cette défense resta plutôt confidentielle jusqu’à ce que le 8ème champion du monde d’échecs, le grand maître letton et fantasque joueur à sacrifices Mikhail Tal (1936-1992), l’adopta dans son répertoire d’ouvertures avec les pièces noires et obtint de nombreuses victoires dans les années 50 en la jouant de manière très agressive. Parmi les autres usages célèbres de cette défense, le grand maître américain Bobby Fischer (1943-2008) employa la défense Benoni en 1972 pour vaincre pour la toute première fois le grand maître russe Boris Spassky lors de la 3ème partie du championnat du monde d’échecs à Reykjavik, en pleine guerre froide.

Examinons ci-dessous les principales idées derrière la variante moderne de la défense Benoni.

7. La défense Grünfeld 1. d4 Cf6 2. c4 g6 3. Cc3 d5

La défense Grünfeld est un exemple d’ouverture hypermoderne où les noirs laissent les blancs bâtir un fort centre de pions, mais obtiennent en échange de forte possibilités de pression et d’attaque contre le centre blanc. En poussant 3… d5 au 3ème coup, les noirs envisagent déjà d’exercer une forte pression sur le pion d4 avec leur dame en d8, un fou en g7, une future poussée du pion c7 en c5 et un cavalier en c6. Les noirs veulent jouer la position de manière très dynamique et sont prêts à sacrifier des pions ou même une qualité pour un jeu de pièces extrêmement actif.

La défense Grünfeld est nommée d’après le grand maître autrichien Ernst Grünfeld (1893-1962) qui la popularisa en la jouant pour la première fois et avec succès lors de tournois en 1922. De nos jours il s’agit toujours d’une ouverture populaire à haut niveau. Elle fait notamment partie du répertoire d’ouverture avec les noirs du grand maître et ancien numéro un français Maxime Vachier-Lagrave.

La défense Grünfeld a été jouée dans 38 437 parties de la base de données, soit 4,2% des parties commençant par 1. d4. Sa réputation dynamique et tactique est telle que certains joueurs avec les blancs préfèrent l’éviter en jouant sur l’ordre des coups, par exemple en commençant par pousser le pion c4 au premier coup : 1. c4 Cf6 2. Cc3 g6 3. e4 et les pions c4 et e4 empêchent les noirs de pousser d5 pour jouer une défense Grünfeld. Toutefois, dans un tel ordre de coup retardant la poussée du pion d4, l’absence du pion en d4 donne d’autres possibilités intéressantes aux noirs, comme par exemple 3. … e5 ou 3. … c5.

Je te présente ci-dessous les grandes idées de la variante théorique la plus critique, la variante d’échange où les blancs relèvent le défi de bâtir un fort centre de pions malgré la pression noire sur le pion d4.

6. La défense est-indienne 1. d4 Cf6 2. c4 g6 3. Cc3 Fg7

La défense est-indienne est jouée dans 72 831 parties de la base données soit 8,0% des parties qui débutent par l’ouverture du pion dame. Il s’agit d’une ouverture hypermoderne où les noirs laissent les blancs bâtir dans un premier temps un centre de pions, avec l’idée de venir attaquer dans un deuxième temps ce centre sur les cases noires.

🔎À noter : La défense est-indienne est caractérisée par un fianchetto du fou des cases noires en g7 (« à l’est ») et elle ne doit pas être confondue avec la défense ouest-indienne qui est elle caractérisée par un fianchetto du fou des cases blanches en b7, de l’autre côté de l’échiquier (« à l’ouest ! »).

Dans les lignes théoriques les plus critiques de la défense est-indienne, les blancs érigent un mur imposant de 3 pions centraux (c4-d4-e4), voir même 4 pions centraux (c4-d4-e4-f4), et les noirs vont venir contester ce centre en attaquant le pion d4 avec les poussées de pions e5 et/ou c5. Si les blancs lèvent la tension sur le pion d4 en le poussant en d5, alors les noirs ont généralement les options soit d’attaquer sur l’aile roi en poussant f5 pour miner le pion blanc en e4, soit d’attaquer sur l’aile dame en poussant b5 pour miner le pion blanc en c4. Les blancs attaqueront alors sur l’aile opposée et il en résulte des milieux de jeu asymétriques où chaque camp attaque sur l’aile opposée et espère arriver en premier pour gagner la partie.

La défense est-indienne mène à des positions dynamiques et complexes et est couramment utilisée à haut niveau. Elle faisait ainsi partie du répertoire d’ouvertures avec les noirs des champions du monde Garry Kasparov, Bobby Fischer et Mikhail Tal, tous les trois étant des joueurs d’échecs célèbres pour leur style d’attaque basé sur l’activité et le dynamisme des pièces. De nos jours, elle est utilisée régulièrement par les super grands maîtres Hikaru Nakamura, Teimour Radjabov et le 17ème champion du monde Ding Liren.

Découvrons ensemble de manière interactive ci-dessous les grandes idées de la défense est-indienne.

5. La défense ouest-indienne 1. d4 Cf6 2. c4 e6 3. Cf3 b6

Nous continuons notre tour des défenses noires les plus jouées contre 1. d4 avec un système indien basé sur le contrôle à distance des cases blanches centrales e4 et d5 : la défense ouest-indienne, jouée dans 51 274 parties (soit 5,6% des parties commençant par 1. d4) dans la base de données Masters.

Après 1. d4 Cf6 2. c4, les noirs jouent 2… e6 pour contrôler la case d5 avec un pion et ouvrir la diagonale de leur fou des cases noires. Si les blancs répondent maintenant 3. Cf3 négligeant temporairement le contrôle de la case e4, alors les noirs peuvent entrer dans la défense ouest-indienne en jouant 3… b6.

🔎À noter : Après 1. d4 Cf6 2. c4 e6, les blancs peuvent éviter la défense ouest-indienne en jouant 3. Cc3 pour contrôler tout de suite la case e4. Nous verrons dans la prochaine section que les noirs peuvent lutter efficacement contre le coup 3. Cc3 grâce à un deuxième système indien basé sur le contrôle des cases blanches, la défense nimzo-indienne. La défense ouest-indienne et nimzo-indienne présente des fortes similarités et sont pour ainsi dire des ouvertures jumelles l’un de l’autre. Ces deux ouvertures doivent être apprises ensemble (un joueur qui souhaite intégrer la défense ouest-indienne à son répertoire d’ouverture avec les noirs doit également apprendre la défense nimzo-indienne et vice-versa), mais ce travail en vaut la peine car elles forment un couple d’ouvertures extrêmement solides et réputées pour lutter efficacement contre l’ouverture du pion dame 1. d4. Les défenses ouest-indienne et nimzo-indienne sont ainsi très jouées à haut niveau contre 1. d4.

Nous commentons ci-dessous les grandes idées derrière la défense ouest-indienne, en particulier la variante classique avec un fianchetto du fou noir en b7 et la variante moderne avec un fou noir qui se place en a6 pour attaquer le pion c4.

4. La défense nimzo-indienne 1. d4 Cf6 2. c4 e6 3. Cc3 Fb4

La défense nimzo-indienne est une des principales défenses noires contre 1. d4. Il s’agit d’un système indien basé sur le contrôle des cases blanches centrales et complémentaire à la défense ouest-indienne. La défense nimzo-indienne a été jouée dans 75 848 parties de la base de données Masters soit 8,3% des parties commençant par 1. d4.

L’origine de la défense nimzo-indienne est communément admise comme étant la partie jouée en 1883 au tournoi de Londres entre les grands maîtres Englisch et Blackburne (nulle en 42 coups). Cette défense a ensuite été perfectionnée par le grand maître danois Aaron Nimzowitsch (1886-1935) qui lui a donné son nom. De nos jours, la réputation de solidité de la défense nimzo-indienne est telle que les blancs préfèrent généralement l’éviter en jouant 3. Cf3 (menant ainsi potentiellement vers la défense ouest-indienne) plutôt que 3. Cc3. Cette défense est jouée à tout niveau et a été jouée par tous les champions du monde d’échecs depuis José Raul Capablanca (champion du monde de 1921 à 1927).

Après 1. d4 Cf6 2. c4 e6, les blancs démarrent immédiatement la lutte pour la case centrale e4 en jouant 3. Cc3. Les noirs réagissent alors en clouant le cavalier dame avec le coup de fou 3. … Fb4, le coup de départ de la défense nimzo-indienne. Le clouage absolu du fou sur le cavalier (le cavalier ne peut plus bouger car cela causerait un échec du roi blanc et constituerait un coup illégal) rend inopérant le contrôle de la case e4 par le cavalier dame. Le coup 3. … Fb4 permet donc aux noirs de lutter indirectement pour le contrôle de la case e4 et empêche les blancs de pousser leur pion e en e4.

Je te présente ci-dessous de manière interactive quelques variantes clefs de la défense nimzo-indienne, en particulier la variante Rubinstein.

3. Le gambit dame accepté 1. d4 d5 2. c4 dxc4

Nous étudions désormais les défenses où les noirs répondent de manière symétrique et classique à l’ouverture du pion dame 1. d4 par la poussée du pion 1. … d5. Il est alors usuel pour les blancs de venir poser une question au pion d5 en jouant 2. c4, un pseudo-sacrifice de pion appelé le gambit dame. Le gambit dame accepté est caractérisé par la prise du pion en c4 par les noirs avec le coup 2. … dxc4.

Avec 21 295 parties de maîtres, le gambit dame accepté représente seulement 2,3% des parties commençant par 1. d4 dans la base de données Masters de Lichess. Il s’agit de la manière la moins populaire pour les noirs de réagir face au gambit dame pour deux raisons :

  • En jouant 1. … d5 au premier coup, les noirs marquent leur intention de contrôler la case e4 avec leur pion en d5. Or, en prenant le pion c4 au 2ème coup, les noirs abandonnent le contrôle de la case e4 et autorisent les blancs à jouer tout de suite la poussée e4 s’ils le désirent, construisant ainsi un fort centre de pions.
  • Il n’est pas possible pour les noirs de s’accrocher au pion noir gagné en c4 sans souffrir de graves désavantages. Les noirs ont donc lâché le contrôle du centre sans compensation matérielle apparente.

Le gambit dame accepté est pourtant une défense théoriquement saine et tout à fait valable. L’idée principale des noirs est de ne surtout pas s’accrocher au pion indéfendable en c4, mais au contraire de le rendre rapidement pour développer aisément les pièces mineures. Les noirs vont contester le pion central blanc en d4 avec la poussée du pion noir en c5 pendant que les blancs récupèrent le pion noir en c4. Cette idée fut introduite pour la première fois à haut niveau lors du premier championnat du monde d’échecs de 1886 lorsque le premier champion du monde Wilhelm Steinitz (1836-1900) employa à plusieurs reprises avec succès le gambit dame accepté (par transposition) pour triompher contre le joueur d’échecs polonais Johannes Zukertort (1842-1888).

Passons en revue ci-dessous quelques variantes associées au gambit dame accepté.

2. Le gambit dame refusé 1. d4 d5 2. c4 e6

Nous continuons l’étude des défenses noires contre 1. d4 basées sur la poussée de pion symétrique 1. … d5. Si les blancs continuent en jouant le gambit dame 2. c4 pour venir défier le pion noir en d5, les noirs peuvent refuser de prendre le pion en c4 et, à la place, renforcer le pion d5 en poussant leur pion en e6 : 2. … e6. Cette manière de jouer s’appelle le gambit dame refusé.

Le gambit dame refusé constitue une des défenses les plus solides des noirs contre l’ouverture du pion dame 1. d4. Dans la base de données Masters, on trouve 58 476 parties figurant cette défense, soit 6,4% des parties de maîtres commençant par 1. d4.

En poussant le pion e6 pour renforcer le pion d5, les noirs s’assurent de maintenir le contrôle de la case e4 en se donnant la possibilité de reprendre avec le pion e en d5 si les blancs capturent eux-mêmes en d5 avec le pion c4. En revanche, la poussée du pion en e6 présente l’inconvénient de bloquer la diagonale naturelle de sortie du fou des cases blanches en c8.

Le gambit dame refusé est une ouverture jouée fréquemment au plus haut niveau. Un exemple extrême est le championnat du monde de 1927 entre le grand maître Alexandre Alekhine et le grand maître José Raul Capablanca ; sur 34 parties, le gambit dame refusé fut joué 32 fois !

Je t’explique ci-dessous de manière interactive quelques variantes importantes du gambit dame refusé, en particulier la variante Tartacover.

1. La défense slave 1. d4 d5 2. c4 c6

La défense slave est la défense noire la plus jouée contre 1. d4, avec 90 801 parties dans la base de données Masters soit 10,0% des parties commençant par 1. d4. Après avoir répondu de manière symétrique en poussant 1. … d5, les noirs répondent au gambit dame 2. c4 en renforçant le pion en d5 avec la poussée de pion 2. … c6. Cette poussée du pion en c6 caractérise la défense slave.

La défense slave a été analysée dès la fin du XVIème siècle. Elle ne gagna ses galons en tant qu’ouverture respectable et solide qu’à partir des années 1920, même si le grand maître Wilhelm Steinitz l’essaya avec les noirs à plusieurs reprises lors du premier match de championnat du monde en 1886 contre le grand maître Johannes Zukertort. La défense slave subit un test théorique particulièrement intense lors des championnats du monde de 1935 et 1937 entre les grands maîtres Alexandre Alekhine (1892-1946) et Max Euwe (1901-1981). Elle a fait partie du répertoire de 11 des 13 premiers champions du monde d’échecs et est régulièrement jouée à tous les niveaux.

En poussant 2. … c6, les noirs se donnent la possibilité de reprendre en d5 avec un pion pour maintenir le contrôle de la case e4, si jamais les blancs prennent en d5 avec le pion c4. Contrairement au gambit dame refusé, les noirs laissent ouverte la diagonale du fou c8, mais le pion c6 prend la case de développement naturelle du cavalier en b8 et les noirs doivent faire attention à ne pas affaiblir leur aile dame en sortant trop rapidement leur fou c8 en f5 ou g4.

Je te montre ci-dessous les idées derrière quelques variantes importantes de la défense slave, en particulier la variante de Méran de la défense semi-slave.

Conclusion

J’espère que ce résumé des défenses noires les plus jouées contre 1. d4 t’a plu et que tu as pu y trouver des idées pour te préparer pour ta prochaine partie avec les pièces noires !

Sache qu’il est plus difficile de se préparer avec les noirs contre 1. d4 que contre 1. e4 ! Les 9 défenses présentées ici ne représentent qu’environ 51% de toutes les parties commençant par 1. d4 dans la base de données, même s’il s’agit pourtant des défenses noires les plus populaires contre 1. d4. Cela est dû aux possibilités de transpositions plus nombreuses entre les variantes, mais aussi au fait que les blancs peuvent jouer d’autres coups moins populaires que 2. c4 après avoir joué 1. d4. De tels systèmes pour les blancs incluent par exemple:

  • l’attaque Trompowsky 1. d4 Cf6 2. Fg5!?
  • le système de Londres 1. d4 d5 2. Ff4
  • des gambits romantiques rares comme le gambit Blackmar-Diemer 1. d4 d5 2. e4!? ou le gambit Humphrey Bogart 1. d4 Cf6 2. g4!?

Les blancs peuvent même encore jouer d’autres systèmes commençant par 1. d4, par exemple :

  • le système Colle basé sur les coups d4, e3, c3, Cf3, Fd3, Cbd2 (dans l’ordre voulu par les blancs)
  • le système Colle-Zukertort, similaire au système Colle mais avec un fianchetto en b2 du fou des cases noires
  • l’attaque Torre 1. d4 d5 2. Cf3 Cf6 3. Fg5!?
  • l’ouverture catalane 1. d4 Cf6 2. c4 e6 3. g3

Il est donc particulièrement difficile de se préparer exhaustivement avec les noirs contre toutes les ouvertures pouvant découler de 1. d4. Toutefois, tu auras déjà des bonnes bases juste avec les 9 défenses présentées dans cet article !

N’hésite pas à regarder également le top 10 des défenses noires contre 1. e4 pour te préparer contre le 1er coup blanc le plus joué aux échecs !

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