Découvre et rejoue interactivement toutes les parties d’échecs montrées dans la série « Le jeu de la dame » sur Netflix !
Il n’y a pas de doutes sur le sujet : la série « Le jeu de la dame » (« Queen’s gambit » en anglais) produite par la plateforme Netflix est un succès incroyable ! Au vu de la superbe performance des acteurs, des décors d’époque et de l’intrigue bien construite, ce n’est pas étonnant si la série est un tel hit. Avec 62 millions de téléspectateurs dans le monde dans le mois qui a suivi sa sortie en octobre 2020, il est évident qu’il n’y a pas besoin d’être un joueur d’échecs pour aimer la série.
Toutefois, étant moi-même un joueur d’échecs passionné, je dois admettre que je pense que les joueurs d’échecs apprécient la série à un niveau plus profond.
J’étais captivé de voir les acteurs jouer leurs coups d’ouverture et leurs combinaisons tactiques impeccablement, et agréablement surpris de voir Beth incarner Paul Morphy en rejouant la célèbre partie de l’opéra à l’écran. Les producteurs de la série ont réalisé un travail minutieux et impeccable de reconstituer dans chaque épisode des parties d’échecs d’anthologie entre champions du monde et joueurs d’échecs célèbres.
Si tu es curieux à propos des parties montrées dans chacun des épisodes, j’ai une bonne nouvelle pour toi ! 😊 J’ai compilé dans cet article quasiment toutes les parties d’échecs montrées dans la série « Le jeu de la dame » !
J’espère que tu les apprécieras autant que je les ai appréciées !
Sommaire
Épisode 1 : Ouvertures
Beth Harmon a 8 ans et va à l’orphelinat après la mort de sa mère. Elle devient obnubilée par les échecs après avoir vu le concierge, M. Shaibel, analyser une position et jouer quelques coups. Elle développe aussi une addiction pour le calmant que les employés de l’orphelinat donne à tous les enfants.
Le premier contact de Beth avec les échecs est lorsqu’elle voit M. Shaibel étudier une position tout seul. De manière intéressante, la première position d’échecs qui est montrée dans la série est une position d’ouverture issue du gambit dame refusé. Le nom de la série en anglais « Queen’s gambit » se traduit par « gambit dame » en français, peut-être faut-il donc interpréter cette position comme une métaphore qui indique que Beth n’est pas encore prête à devenir la reine des échecs.
Beth retourne ensuite au sous-sol de l’orphelinat et voit encore M. Shaibel jouer tout seul aux échecs. Cette fois il analyse une position un peu bizarre où les noirs ont un fou et un pion en moins.
Beth insiste pour jouer une partie contre le concierge, et il utilise une astuce bien connue dans laquelle la plupart d’entre nous sont tombés en découvrant les échecs pour la première fois. Beth perd en 4 coups, victime du coup du berger.
Abattue par sa défaite aussi rapide que brutale, Beth va se coucher et commence à visualiser sur le plafond du dortoir des variantes de la partie qu’elle a jouée. Voici quelques-unes des lignes qu’elle visualise à l’aveugle sur le plafond :
Mieux préparée mais encore loin d’être la reine des échecs qu’elle deviendra un jour, Beth affronte M. Shaibel à nouveau. Beth se fait enfermer sa dame dans l’ouverture et sa position est complétement perdante après quelques coups seulement.
Après des jours d’entraînement, Beth joue une fois de plus contre monsieur Shaibel. Mais cette fois, elle est capable de décrocher sa première victoire. La gamine à l’air innocente commence à montrer des signes de ses prouesses tactiques avec ce gain incroyable avec les noirs contre son premier professeur d’échecs.
Impressionné par le potentiel de Beth, M. Shaibel lui apprend quelques ouvertures. Ainsi, la Najdorf et l’attaque Levenfish de la défense sicilienne deviennent des armes de choix de son répertoire, en parfaite adéquation avec son style de jeu aggressif et tactique. Beth apprend également le gambit dame – une ouverture qu’elle utilisera pendant le reste de sa carrière.
Beth continue à étudier les échecs et à progresser jusqu’au point où battre M. Shaibel n’est plus un challenge pour elle. Elle est victorieuse une fois de plus contre son entraîneur en rejouant avec les blancs une partie du maître italien du XVIIème siècle, Gioachino Greco (dit « le Calabrais »), contre un joueur anonyme.
Encore plus impressionné par le talent de Beth, M. Shaibel invite l’entraîneur du club d’échecs du lycée local, M. Granz, pour jouer contre Beth. Beth gagne rapidement contre son nouvel adversaire.
M. Shaibel et M. Ganz organisent ensuite une simultanée où Beth joue contre eux en même temps. Beth a les pièces blanches dans ses deux parties, et elle démolit une fois de plus ses adversaires sur l’échiquier. Sa partie contre M. Shaibel se finit dans la position suivante (les noirs en échec vont prendre le fou en g5 et la dame blanche va recapturer avec échec et mat) :
Sur l’autre échiquier, sa partie contre M. Ganz reproduit une partie miniature célèbre jouée en 1910 entre le grand maître Richard Réti et le grand maître Xavier Tartacover. Beth joue les derniers coups de la partie en se tenant debout et sans regarder l’échiquier.
Épisode 2 : Échanges
Beth est adoptée et déménage dans une maison de banlieue américaine avec sa nouvelle famille. Elle a du mal à s’intégrer à son nouvel environnement social, mais elle trouve un moyen de participer au championnat d’échecs du Kentucky. Elle découvre ainsi l’univers des tournois d’échecs et apprend à utiliser pour la première fois une pendule d’échecs.
La première position de cet épisode vient de la deuxième partie de Beth au championnat du Kentucky, quand elle est sur le point de mater son adversaire. Le joueur qui lui fait face lui propose nulle quand il réalise que sa position est désespérée.
Après sa dernière victoire, Beth joue maintenant contre Townes qui est « sous-évalué ». Les autres joueurs commencent à prendre Beth au sérieux après qu’elle arrive à le battre en finale en utilisant une tactique pour gagner sa tour.
La dernière partie de l’épisode se déroule entre Beth Harmon et Harry Beltik, le champion d’échecs en titre du Kentucky. Beltik arrive en retard et semble ne pas respecter Beth en tant que joueuse d’échecs. La partie commence par une défense Caro-Kann et reproduit une partie de 1955 jouée entre le fantasque joueur d’attaque Rachid Nejmetdinov et le maître international Genrikh Kasparian. Un sacrifice de dame au 41ème coup permet à Beth de conclure la partie avec un mat spectaculaire.
Épisode 3 : Pions doublés
Beth gagne encore plus en célébrité et en popularité grâce à une superbe performance au tournoi de Cincinnati. Après plusieurs autres tournois et de nombreuses apparitions dans les médias américains, Beth prend dans son viseur l’US Open, le fameux championnat d’échecs des États-Unis.
La série présente la première position de ce 3ème épisode en même temps qu’un nouveau personnage, le champion des États-Unis Benny Watts. Il analyse une partie qui a commencé par la défense Caro-Kann et montre à quelques kibitzers une variante tirée d’une partie jouée en 1935 entre le grand maître Jacques Mieses et le grand maître Samuel Reshevsky. Beth suggère un coup qui perd la partie à cause d’une tactique de déviation qui perd la dame.
Seule une position du tournoi de Cincinatti apparaît en détails. Il s’agit de la partie que Beth joue contre le maître international Rudolph. Un de ses amis commente qu’elle ne doit pas être ravie de jouer contre un joueur aussi fort, mais Beth démontre rapidement qu’elle n’a pas de problèmes à jouer des positions compliquées contre un tel joueur et elle gagne la partie en quelques coups.
Beth se dirige ensuite à Las Vegas pour jouer l’US Open. Nous voyons sa première victoire dans le championnat où elle joue les pièces blanches et force l’abandon de son adversaire en une douzaine de coups.
Finalement, nous assistons à la partie de Beth contre le champion américain en titre, Benny Watts !
Juste avant la partie, Benny met en avant une imprécision jouée par Beth lors de sa partie contre Beltik en mentionnant « le pion en f4 ». Il fait référence au 30ème coup de la partie de Beth contre Beltik à la fin de l’épisode 2, et le doublage français s’est trompé de case car il s’agissait d’un coup de pion en c4 et pas en f4.
Beth joue avec les blancs et visualise sur l’échiquier différentes lignes d’ouverture avant de jouer son premier coup. À nouveau, la série fait un bel effort de montrer correctement des ouvertures variées comme la sicilienne Scheveningue, la partie espagnole, la Caro-Kann, la française et la sicilienne Najdorf.
Benny choisit de jouer la sicilienne Najdorf contre Beth. Beth obtient une position inférieure et rate une ressource qui lui aurait permis de sauver la partie et d’obtenir la nulle. Elle perd sa première partie officielle en compétition après que Benny monte une forte attaque sur le roi et gagne une tour de manière forcée avec une fourchette de cavalier.
Épisode 4 : Milieu de jeu
Dans le 4ème épisode, Beth se rend à la ville de Mexico pour y jouer un fort tournoi d’échecs à invitations. Elle y rencontre les joueurs d’échecs les plus forts qu’elle n’a jamais joués auparavant, y compris l’intimidant champion du monde Vasily Borgov.
La deuxième victoire de Beth au tournoi de Mexico est montrée furtivement. Sa victoire est une reconstruction d’une partie jouée en 1958 entre le grand maître américain Bobby Fischer et le grand maître danois Bent Larsen. Par rapport à la vraie partie, Beth intervertit l’ordre des 3 derniers coups gagnants de Fischer. Nous la voyons ainsi jouer 29. d7 (qui est également un coup gagnant) au lieu du coup choisi par Fischer, 29. Fxf6, qui est plus précis et qui force le mat plus rapidement.
Beth continue à gagner d’autres parties, la plupart d’entre elles étant des reconstructions de véritables parties. Nous voyons par exemple Beth envahir la 7ème rangée de son adversaire avec sa tour et sa dame pour un mat imparable à venir :
Une autre position gagnée par Beth est tirée d’une partie entre deux champions du monde légendaires, le grand maître indien Viswanathan Anand et le grand maître russe Garry Kasparov.
Hélas nous voyons à peine la partie de Beth contre le joueur imaginaire Dietrich. La partie suit une belle bataille sur l’échiquier jouée en 1914 entre les grands maîtres Ossip Bernstein et José Raul Capablanca. En particulier, la série ne montre pas le sacrifice final de dame de Capablanca qui conclut la partie comme un coup de tonnerre.
Après ces victoires, Beth affronte avec les blancs un enfant prodige des échecs qui s’appelle Girev. Leur partie dure longtemps et ils finissent par ajourner après 5 heures de jeu. Le 40ème coup mis sous enveloppe par Beth est bien meilleur que celui joué dans la véritable partie qui a inspiré la scène, une partie d’échecs jouée en 2007 entre le grand maître russe Dmitri Iakovenko et le grand maître néerlandais Daniël Stellwagen. Beth parvient à surclasser avec talent le jeune prodige et à gagner la partie.
La série de victoires de Beth lui donne le droit d’affronter pour la première fois le champion du monde des échecs en titre, le russe Vasily Borgov. Ils jouent par interversion de coups une partie jouée en 1965 entre les grands maîtres Leonid Stein et Aleksandar Matanovic. Beth joue avec les noirs et subit la deuxième défaite de sa carrière de joueuse professionnelle.
Épisode 5 : Fourchette
Dans cet épisode, Beth joue le championnat des États-Unis dans l’Ohio, où elle affronte à nouveau Benny Watts.
La première position que nous voyons est une scène où Beltik (l’ancien champion du Kentucky qu’elle a battu dans l’épisode 2) aide Beth à se préparer pour le championnat des États-Unis. Il lui montre « une des idées d’Alekhine », en faisant référence à l’ancien champion du monde d’échecs Alexandre Alekhine.
Au championnat, Beth n’a aucun problème à battre ses adversaires les uns après les autres. Malheureusement, nous ne voyons aucune partie jusqu’à ce que Beth rencontre Benny dans un bar. Il l’invite à jouer quelques parties en cadence blitz.
Leur première partie de blitz est tirée de la partie jouée en 2004 entre les grands maîtres Predrag Nikolic et Vassili Ivantchouk. Benny s’impose après un sacrifice de qualité suivi d’une fourchette royale de cavalier (entre le roi et la dame de Beth).
La deuxième partie est issue d’une partie jouée en 2004 entre les grands maîtres russes Vladimir Kramnik et Aleksandr Morozevitch. La partie est extrêmement complexe avec un sacrifice de cavalier au 13ème coup dès la sortie de l’ouverture. Benny met une pression tactique énorme sur Beth et la contraint à l’abandon.
La troisième partie de blitz reproduit la partie jouée en 2005 entre les grands maîtres allemands David Baramidze et Alexander Graf. Beth abandonne dans une position passive sans espoir avec une qualité en moins.
Finalement, les deux maîtres des échecs joue un quatrième et dernier blitz. Benny bat Beth une fois de plus en déviant sa tour de la dernière rangée, suivi immédiatement d’un mat.
Le jour suivant, Beth et Benny joue l’un contre l’autre au championnat des États-Unis, mais la partie n’est pas montrée.
Épisode 6 : Ajournement
Beth s’entraîne avec Benny à New York puis part participer à un tournoi d’échecs à Paris où elle affrontera Borgov à nouveau.
Une des positions notables de cet épisode vient d’une scène où un des amis de Benny montre à Beth un problème d’échecs. Après l’avoir regardé à peine quelques secondes, Beth trouve immédiatement la solution.
Cette nuit-là, Benny propose à Beth de jouer en simultanée et en blitz contre lui et ses deux amis. Beth est bien mieux préparée cette fois-ci et elle les bat à de multiple reprises. C’est lors de cette simultanée que Beth rejoue contre Benny la partie mondialement célèbre de l’Opéra… même si il est difficile de croire que le grand maître Benny ait joué aussi mal que les deux amateurs contre lesquels Morphy joua à l’opéra de Paris en 1858 !
Beth quitte ensuite New York pour participer à un prestigieux tournoi d’échecs à Paris (« le grand prix d’échecs de Paris »). Son premier adversaire est le joueur imaginaire Alec Bergland. Beth joue les blancs contre lui et nous ne voyons de leur partie que la position suivante:
Contre son deuxième adversaire à Paris, Beth rejoue une partie jouée en 1953 entre les grands maîtres Youri Averbakh et Aleksandr Tolouch. La combinaison finale de mat avec un sacrifice spectaculaire de la tour n’est pas montrée à l’écran cependant, dommage !
Nous voyons à peine la partie suivante de Beth, mais nous constatons qu’elle a une pièce de plus avec les noirs. De manière très bizarre, on voit le cavalier noir se déplacer de la case h5 en g3, ce qui rend la pièce de plus sans aucune raison. Mon hypothèse est qu’il s’agit d’une erreur de la série et qu’il devait y avoir un fou blanc en g3, qui devait ainsi se faire capturer par le cavalier noir en h5.
La scène suivante montre Beth en train de regarder la dernière partie de Borgov contre un joueur nommé Darga. Le champion russe avec les pièces blanches n’a eu aucune difficulté à battre son adversaire, comme en témoigne son avantage matériel et positionnel considérable dans la position finale de la partie.
Beth obtient finalement son match revanche contre Borgov. Ils jouent la défense sicilienne une fois de plus, mais cette fois Borgov a les pièces noires et opte pour la variante Najdorf de la sicilienne. La partie est adaptée d’une partie jouée en 2006 entre les grands maîtres Susanto Megaranto et Leinier Dominguez. La partie se déroule très mal pour Beth, qui perd une fois de plus contre sa bête noire.
Épisode 7 : Finale
Beth se rend en Russie pour jouer le tournoi le plus important de sa vie et tenter à nouveau sa chance de battre le champion du monde des échecs, le russe Vasily Borgov. C’est dans cette compétition que nous voyons la reine des échecs jouer au pic de ses capacités contre des joueurs d’échecs de classe mondiale.
Sa première partie contre le russe Laev est une reproduction de la partie du grand maître bulgare Veselin Topalov contre Garry Kasparov en 1995. Bizarrement, le commentateur dit que Beth a donné « une leçon en 27 coups » à son adversaire mais la partie a en vrai duré 28 coups.
Pour sa deuxième partie, Beth a les pièces blanches. Cette fois, la série reproduit une victoire remarquable du grand maître Gyula Sax contre le grand maître Viktor Kortchnoï en 1986.
La partie de Beth contre Shapkin n’est pas montrée, mais nous pouvons voir la position finale de sa victoire avec les pièces noires contre Hellstrom. Il s’agit d’une autre partie de Garry Kasparov qui s’imposa en force contre le grand maître Robert Hübner en 1985.
Beth joue ensuite avec les pièces noires contre le russe Luchenko. La partie montrée à l’écran est une adaptation d’une partie jouée en 1988 entre le maître international Arshak Petrossian et le grand maître Vladimir Akopian. Après l’ajournement, Beth dévie de la partie originale et trouve une continuation brillante pour vaincre son advsersaire.
Après toutes ces parties, nous voyons finalement Beth affronter à nouveau Borgov. Beth joue avec les blancs et choisit de commencer la partie avec un gambit dame (« queen’s gambit » en anglais, qui est le nom original de la série). Borgov finit par accepter le gambit, ce qui donne un contraste entre la première scène d’échecs de la série, qui montre un gambit dame refusé, et la conclusion de la série qui se termine par un gambit dame accepté.
La dernière partie de Beth est une adaptation de la partie jouée par le grand maître ukrainien Vassili Ivantchouk contre le grand maître américain Patrick Wolff en 1993. La partie dévie après le coup 37. Ce6 au lieu du coup 37. g4 joué par Ivantchouk. Beth réfute de manière spectaculaire, avec un sacrifice de dame, la seule erreur de Borgov de la partie.
Conclusion
Comme tu peux le voir, beaucoup d’attention et de soin ont été apportés lors de la production de la série « Le jeu de la dame » pour rendre les parties d’échecs crédibles et authentiques. La série a réussi à utiliser les échecs comme un outil narratif qui sert l’histoire de Beth et pas juste comme un accessoire. À titre personnel, je suis ravi d’avoir vu les échecs gagner autant en popularité après le lancement de la série et j’ai particulièrement apprécié l’analyse de toutes les positions et parties montrées dans la série.